On n’est guere assez philosophe Monsieur, pour ne pas voir / avec plaisir la bonne reception, que l’on fait a nos pro-/ductions. Les traductions flattent trop l’amour propre / pour etre vues sans complaisance, et le plaisir en est plus deli-/cat. Lors qu’on se voit traduit par un homme estimable, / et qu’on est se voit traduit aussi bien que je l’ai été / M. Wetstein a ses raisons pour diminuer les expressions / flateuses, que xx m’avoit Vous m’aviés prodiguées aparemment. / Il etoit un peu faché dans ce tems la, parce que sur de / certaines manieres, dont il ne sentoit peutetre pas aussi bien / que moi le desagrément, jʼavois renoncé a la Bibl Rais. que / je viens de reprendre sur a sa prière, et dans la quelle je donnerai / de tems en tems un extrait.
La reimpression de mes petits poemes doit etre finies avec cet / été, elle ne sera grossie que d’une feuille, mais il y aura quel-/ques changemens de tems en tems. Les vignetes que l’on grave, re-/tardent extremement l’execution, elles ne viennent quʼà la file, et de / Hollande, ou on ne se presse point pour l’etranger. On aura tous le / tems de Vous faire parvenir les preuves de la nouvelle edition avant / que les planches soient finies.
Il n’y a point de mal au passage de Socrate. Il n’est que trop vrai; / Je l’ai tiré des memoires de Xenophon, ou j’ai vu avec horreur le / pretendu Moraliste reprendre une Musicienne parce qu’elle chan-/tait des sujets trop graves, et la ramener a des chansons oposés aux / bonnes mœurs, et capables propres a dʼalumer des passions, qu’il auroit du / reprimer. J’ai omis ce passage dans les editions posterieures, parce / que des Amis m’ont fait crainde, que cela ne menes que des / critiques.
Le lambeau de traduction angloise, que Vous avés vue, est faite / sur la votre. Cʼest quelque chose d’assez extraordinaire chez une / nation aussi fiere, et aussi remplie de mepris, et de haine pour les / allemans, avec lesquels elle aves confondant[.] Quand la traduction / Françoise sera finie, nous trouverons quelque moyen pour le faire / parvenir a l’auteur de l’Essai anglois
Mon libraire a promis d’executer Votre traduction avec propreté. C’est / un exterieur qui previent, et qui promet, et qui n’ote rien a l’essentiel
Je suis avec une parfaite estime / Monsieur
Gottingue le 19 de Juillet 1748.
Votre trez humble & trez obeiss / Serviteur / Haller
Albrecht von Haller an Vinzenz Bernhard Tscharner, 19. Juli 1748, in: Digitale Edition der Korrespondenz Albrecht von Hallers, République des Lettres (hallerNet) 2018ff., https://republique-des-lettres.ch/edition/haller-tscharner/letter/13940.