Vous connoissez sans doute mieux que moi le gout du Public et le / vrai prix de
Vos propres Ouvrages; cependant, comme Vous n’avez / jamais apris à connoitre
ce Public que par ses aplaudissemens, excusés / la surprise où je suis de Vous
voir douter encore de ses faveurs. / Quelle diference qu’il y ait entre le
génie de la langue francoise et le / gout de la poésie allemande, les grandes
beautés, les beautés solides / qui naissent du fond des pensées, ont partout
les mêmes regles, les mêmes / caracteres; j’en conclûe, Monsieur, que quoique
depouillées de toutes leurs graces extérieures, Vos poësies, par cet esprit philosophique et cette
richesse / de pensées, qui les caracterise, ne manqueront pas de Vous atirer
sur leur / nouvelle Scene, des eloges nouveaux. Les Français sont aujourdhui si
bien / familiarisés avec les Poëtes Anglais, et ils reconnoitront si bien leur
genie et / leurs sentimens dans Vos Ouvrages, qu’ils ne manqueront pas de les
placer / au même rang. je n’ai point eu d’occasion particuliere pour consulter
le / gout de quelque français, sur l’essai que Vous avès eû la bonté de
m’envojer. / Monsieur Bodmer
m’ecrit qu’il ne peut expliquer tant de precautions que / par une modestie
extrême. Quand à moi, Monsieur, je souhaite l’entiere / impression de Vos
poësies traduites, beaucoup moins pour l’intêret de la / traduction, que pour
l’intêret de Votre gloire. Combien que je me sente / flaté, d’avoir sçû
traduire à Votre satisfaction, je pense toujours, que / beaucoup d’autres
auroient pû rendu cette traduction plus interessante
et plus utile aux Français; mais je verrai avec un plaisir bien plus grand, / Vos
Ouvrages nous reconcilier cette Nation charmante, et detruire les / idées qui
les préoccupent contre nous. Vos corrections ne sont
pas en aussi / grand nombre, que je devois bien m’y atendre; elles ne peuvent
que donner / un nouveau jour à la pensée, et plus de credit à la traduction. Il
faudroit / avoir soin d’une impression fort correcte et surtout d’une
ponctuation plus / exacte dans l’execution de l’Ouvrage entier; pour eviter le
préjugé, que / feroit naitre chès le Public, l’idée, d’un traducteur qui
n’entendroit pas / la Langue. Cette petite circonstance à été negligée dans
l’Essai, elle y / etoit cependant necessaire; le François s’atache un peu à la
superficie, et / un essai se donne pour un echantillon. je n’ai point pû voir
la traduction / de Doris;
il faut que Monsieur
Werdmuller ait été distrait, où qu’il / la cache. En Vous recommandant
de nouveau Vos propres Ouvrages,